Je vais vous raconter mon histoire ∞ Les larmes coulaient sur son visage, traçant des rigoles douloureuses sur sa peau d’albâtre. Sa longue chevelure blanche semblait la recouvrir d’un linceul. Le sang coulait autour d’elle. Son sang. Le sang de sa sœur. Elle aurait aimé mourir en cet instant tant la douleur lui vrillait le cœur, semblant vouloir l’écarteler de l’intérieur. En cet instant, plus rien n’existait que le cadavre de sa sœur chérie qu’elle serrait convulsivement contre elle, tâchant sa tunique de sang. Les moments passés avec elle défilaient dans son esprit. Elles étaient jumelles, aussi loin qu’elle s’en souvienne, sa sœur avait toujours été là, près d’elle. Comme son autre moitié, bien que les jumelles aient des caractères bien différents. Leur père avait vécu cette grossesse gémellaire comme une bénédiction des dieux, après tout, Diane et Apollon n’étaient-ils pas jumeaux ? Et il avait accepté de reconnaître les deux bébés, d’autant qu’elles possédèrent très vite une beauté sans pareille. Mais si Eugenia était la douceur et l’obéissance incarnée, Octavia, quant à elle, possédait un caractère de lionne, une soif de reconnaissance et une intelligence vive. Sa condition de femme fut très vite un fardeau dont elle ne pouvait malheureusement se défaire. Elle était pourtant quelqu’un de très malin. Son père, un patricien très influent, lui apprit à aimer les intrigues politiques qui se déroulaient dans les coulisses du pouvoir à Rome. Et Octavia maudit un peu plus les dieux qui l’avaient fait naître femme.

Les larmes continuaient de baigner le visage d’Octavia. Le visage de sa sœur, son visage semblait seulement endormi. Des vagues de souvenirs remontaient à son esprit. Mais, Octavia, je ne comprends pas… Que peux-tu faire dans la vie sans époux à tes côtés ? Une femme est l’égale d’un homme, Eugenia !! Seulement la société romaine nous considère comme des enfants, sans cervelle ni jugement. Un jour viendra où nous pourrons nous libérer de ce joug. En attendant, il n’est pas question que je prenne époux. Les discussions à ce sujet avait toujours été houleuses entre les jumelles. Si Eugenia semblait considérer comme normale le fait qu’une femme ait besoin d’un époux, Octavia, elle, se hérissait à cette idée. Elle était indépendante, désireuse d’obtenir force et pouvoir. La beauté des jumelles poussa de nombreux prétendants à venir demander leurs mains auprès de leur père. Octavia n’accepta jamais, malgré les tempêtes de son père. Il avait toujours eu un faible pour elle, aussi lui permettait-il des choses qu’un romain n’aurait jamais tolérées de ses filles. Ainsi, lorsqu’Octavia exprima le vœu de suivre l’enseignement d’un précepteur, son père l’autorisa à apprendre l’art de la conversation, les principaux systèmes politiques romains. Elle apprit plusieurs langues ainsi que la philosophie et l’histoire. Elle a également quelques rudiments de sciences. Octavia se découvrit une passion pour l’herbologie notamment. L’étude des plantes, de leurs secrets était tout bonnement fascinante. On pouvait guérir ou tuer un homme en préparant une simple décoction. Un pouvoir aussi puissant que celui-ci ne pouvait que l’intriguer et la fasciner et elle devint rapidement une experte dans le domaine. Une femme qui se permet des libertés pareilles fait forcément jaser. Aussi, lorsque les politiciens de Rome l’apprirent, de nombreuses rumeurs, toutes plus folles les unes que les autres circulèrent sur Octavia. Certains prétendaient que ses prétendants étaient morts, d’autre qu’elle maîtrisait les pouvoirs occultes, que lui avait conféré Pluton en personne.

Les larmes traçaient leur route douloureuses sur les jours d’Octavia. Elle savait que cela aurait dû être elle. Elle qui aurait dû mourir. Personne n’aurait cherché à tuer Eugenia, si douce, si pure… Son criminel avait simplement dû la prendre pour elle… Son cœur s’embrasa lorsqu’elle pensa à un homme. Un homme qu’elle avait repéré autour de sa sœur. Un homme qui, elle en était persuadée, était responsable de la mort de sa deuxième moitié. Un regard noir, sombre ainsi qu’une chevelure foncée, plus rare sous les cieux romains. L’émissaire égyptien ne passait guère inaperçu. En revanche, son garde du corps, lui, était particulièrement discret. Octavia avait eu l’occasion de lui être présentée lors d’une soirée protocolaire donnée par son père afin d’accueillir leur invité de marque. Naturellement, Octavia avait rapidement jugé l’émissaire manipulateur et tout sauf honnête. Elle ne s’était d’ailleurs pas gênée de le lui faire remarquer, et en public encore. Naturellement, Octavia n’avait pas que des amis, surtout parmi les patriciens. Jamais elle n’aurait pu se douter que cette action aurait eu ces si funestes conséquences… Son cœur s’embrasa à cette pensée. Elle ne voyait plus qu’une chose à faire. Elle relâcha avec une infinie tendresse le corps d’Eugenia et sortit de la pièce. Son père ne lui posa même pas la question de ce qu’elle faisait quand il l’a vit demander aux serviteurs de ramasser ses effets pour le voyage. L’Egypte, voilà sa destination. La vengeance sera son moyen de transport… Elle le retrouvera… Et elle lui fera payer milles fois le crime de celle qu’elle aimait tant…

∞ Que pense votre personnage à propos des évènements actuels ? (contexte, situation politique du pays, intrigues, ...)
En tant qu'habituée des intrigues politiques, je dois dire que je suis assez sceptique sur la capacité du pharaon Horemheb II à assoir son pouvoir. Le peuple est mécontent car il meurt de faim, et les dieux semblent en colère, se glissant d'après les rumeurs, parmi les mortels. La guerre menace et je suis persuadée qu'elle ne tardera pas à éclater, causant de grands dégâts dans le royaume d'Egypte. Cette province est mal gérée, seule Rome pourrait la protéger. Un jour viendra où l'empire romain comprendra l'Egypte, croyez-moi.
∞ Votre personnage pense-t-il à un éventuel retour des dieux parmi les mortels ? Quel est son avis sur cette rumeur ?
Je suis assez étonnée du rapport qu'entretient le peuple égyptien avec ses dieux. Certes, nous avons nos légendes qui parlent du temps où Minerve ou Neptune arpentait la terre en s'adressant aux mortels, mais cela fait bien longtemps que ces temps ont passés. Les égyptiens semblent terrorisés par leurs dieux. Je ne pense pas que ces derniers descendent sur terre. Pourquoi le feraient-ils ?
∞ Que pense votre personnage sur l'arrivée massive d'étrangers à Thèbes ?
A Rome, le mélange entre les patriciens et la plèbe n'est guère courant. Je dois donc admettre que cela me perturbe beaucoup ici. A Thèbes, les riches croisent le chemin des humbles et je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Concernant les étrangers, cela me paraît naturel que les personnes circulent. Par contre, je trouve plus normal que les étrangers possèdent leur quartier et qu'ils restent entre eux, comme ce qui se fait à Rome.