Je vais vous raconter mon histoire ∞

Tu seras un homme mon fils. Les dieux nous ont comblé en te donnant le jour. Ne les déçois pas. Ne nous déçois pas. Sois sage. Obéit. Apprend tes leçons. Devient quelqu’un. Quelqu’un d’important. Seul entre tous mes enfants tu es le seul survivant. Les dieux t’ont béni. Toute ta vie tu devras leur rendre grâce, agir pour obtenir leur fierté et les honorer. Accompli le destin qu’ils ont tracé pour toi.
Père je n’étais qu’un enfant. Tous ces mots m’effrayaient. Je n’étais qu’un petit garçon qui avait trop pleuré de perdre l’un après l’autre mes frères et sœurs. Je voulais que tu me rassures, que tu me prennes dans tes bras et que tu me promettes que rien ne m’arriverait, que nous resterions ensemble à tout jamais. Je voulais voir à nouveau Mère sourire, elle qui chaque jour ressemblait davantage à une ombre qu’à la femme pleine de vie qui me berçait le soir. Par les dieux que je voulais voir cette barbe disparaître de ton visage. Trop de chagrin pour un si jeune enfant. Et tu me répétais que c’était là le destin choisi par les dieux et que chaque épreuve forgerait l’homme que j’allais devenir. Naïf je croyais en ces paroles et je hochais la tête en silence, les larmes roulant sur mes joues.



Père es-tu fier de moi désormais ? Me voilà entré au palais du pharaon. Mon rôle est modeste mais si je persévère je gravirais rapidement les échelons. Mère serait si heureuse si elle était encore vivante.  Peut-être l’est-elle tout de même dans l’au-delà ? Tout semble amplifier, exagéré ici. Moi qui nous pensions riches, nous sommes bien en dessous de toute comparaison avec les magnificences du palais. Quelles fêtes ! L’alcool coulait à flot et la nourriture y était si abondante. Tant de luxe. J’étais impressionné. Émerveillé. Je me sentais chez moi, humble mais appartenant tout de même à cet univers. Je fus cependant surpris que l’on m’invite à prendre part aux festivités. A mes yeux il était normal que nous autres simples garçons du palais nous nous contentions d’assister de loin aux amusements des plus grands. Avec fierté j’acceptais les verres que l’on me tendait, les vidant un à un en riant. Puis on se mit à chanter et ma voix résonnait plus forte que les autres, désinhibé par l’alcool. Ma voix leur plu je crois ou ce fut par simple amusement que l’on m’invita à continuer. Le reste de la soirée demeurait floue dans mon esprit. Je ne me souvenais plus des personnes qui me parlaient. Mais je me souviens de la douleur, ma tête plaquée contre le sol, incapable de bouger tandis qu’on me faisait endurer un sévisse des plus odieux. Était-ce là le destin choisi par les dieux, me demandais-je les larmes aux yeux. Non je ne pouvais l’accepter. Je ne pouvais tolérer que l’on me souille de cette immonde manière, je refusais une douleur aussi atroce. Ma main effleura ma broche et avec la force du désespoir je parvins à blesser mon bourreau en l’entaillant sévèrement au niveau de l’aine. Mais je n’eus pas le temps de voir son visage car il me frappa violemment à la tête et je perdis connaissance. A mon réveil je ne ressentais que de la honte. Je ne pouvais parler à quiconque. Seule me restait l’idée de vengeance. Le coupable était dans ces murs et je le retrouverai.

Et la souris, docile et tranquille, fut contrainte à rugir. A force d’ardeur et de travail j’étais entré au service du vizir, en lice pour devenir son successeur avec plusieurs autres concurrents. Mais au vue de ma jeunesse je doutais d’être choisi. Mais les dieux semblaient être en ma faveur. Tandis que j’assistais le vizir dans ses appartements, j’entraperçus une cicatrice à l’aine alors qu’il ôtait son pagne. Mon sang ne fit qu’un tour. Je la reconnaissais, la même marque, le tracé inégal mais profond. Alors c’était lui ? Je louais les dieux pour m’offrir cette occasion de me venger. J’attendis patiemment, gagnant sa confiance chaque jour jusqu’à être son favori pour lui succéder. Patience. Attendre, encore attendre le bon moment. Puis je versa le poison dans son verre. Je le contempla pâlir et manquer de souffle.
« Tu n’imagines pas depuis combien de temps j’attends ce moment. Tu ne sais certainement même pas qui je suis n’est-ce pas ? Je suis le pauvre garçon que tu as souillé un soir de beuverie. Celui là même qui t’as entaillé la chair juste ici. J’ai imaginé tant de moyens affreux et douloureux pour te faire payer ton crime. En comparaison ta mort sera si douce. Mais je ne pouvais pas rater une telle occasion. Ma seule consolation sera ta mort silencieuse. »
Son corps fut retrouvé tôt le lendemain matin. Il y avait tant de passage dans sa maison qu’on ne se rappela même pas m’y avoir vu. Je fus nommé vizir à sa suite conciliant tous mes désirs en un temps si bref. Vengeance et pouvoir.


« Les traîtres sont partout ô Puissante Lumière. Le peuple d’Egypte a besoin d’être protégée. Et puisque vous avez demandé mon avis le voici : vous êtes l’Egypte glorieux fils du soleil et si un homme vous menace, il menace l’Egypte. En réponse à un tel crime, il n’y a qu’une réponse, la mort. Ensuite vient une question bien naturelle : comment ? Une arrestation et un procès sont un moyen équitable à condition que nous ayons des preuves. Nous n’en avons pas ? Seulement des rumeurs rapportées par les petits oiseaux. Autrement il reste toujours les moyens de l’ombre… Un assassinat qui ne vous mettra pas en cause. Fort bien ce sera donc un assassinat. »

∞ Que pense votre personnage à propos des évènements actuels ? L’inquiétude. Mon poste m’oblige à sans cesse m’inquiéter pour le royaume. La paix semble être installée mais il faut rester sur nos gardes, rien n’est jamais prospère en vérité. Méfiance et vigilance je ne me fie à personne à part peut-être aux dieux.
∞ Votre personnage pense-t-il à un éventuel retour des dieux parmi les mortels ? Quel est son avis sur cette rumeur ?
Elle m’étonne. Je me demande pour quelle raison les dieux se mêleraient à nous autres pauvres mortels. Mais je ne peux réfuter entièrement cette rumeur. Avec les dieux tout est possible.
∞ Que pense votre personnage sur l'arrivée massive d'étrangers à Thèbes ?
Encore une fois méfiance. Tant qu’ils ne représentent pas de danger, ils sont tolérés. S’ils profitent à l’essor de notre royaume ils sont même remerciés. Mais s’ils provoquent le moindre trouble alors des mesures seront prises.